Projets

Les micro-projets de développement locaux

Depuis mes premiers séjours dans les communautés indigènes de la région de La Pedrera et du Mirití-Paraná, ces dernières ont toujours exigé que je travaille avec elles sur le long terme, et à la seule condition que j'apporte des marchandises ou des micro-projets de développement leur permettant d'améliorer leurs conditions d'existence, voire de participer à la « conservation » de leur savoir traditionnel.

Dans la plupart des communautés, l'apport de tels projets ou du moins de matériaux servant à l'amélioration des infrastructures locales est devenu la condition sine qua non de l'acceptation ou non de tout chercheur, notamment lorsque celui-ci est sollicité dans les réunions communautaires afin de justifier l'intérêt de son travail pour les communautés qui le reçoivent. Comme le dit très justement Bruce ALBERT (1995), l'Amazonie est de nos jours un terrain post-malinowskien dans lequel l'ethnologue ne peut plus s'imposer en territoire indigène en décidant lui-même des conditions d'observation comme s'il était dans une situation de type colonialiste. Il doit accepter de se plier aux autorités indigènes, or celles-ci n'ont généralement que faire de son observation, elles lui demandent surtout une « participation ». L'ethnologue ne peut donc plus se limiter à une « observation participante », il doit d'abord s'impliquer dans une « participation observante »...

En contrepartie des services et autres travaux que je demande aux informateurs, hôtes et communautés indigènes, j'ai donc toujours dû répondre aux exigences locales en apportant des marchandises diverses visant à l'amélioration de leurs conditions d'existence ou de leurs infrastructures (vêtements, matériaux de pêche, panneaux solaires, etc.). En dehors de cela, je me suis engagé dans la participation, la valorisation et la « conservation » du patrimoine culturel indigène, notamment dans le cadre d'un programme initié au Lacito avec Jean-Pierre CAPRILE (†) : le programme Participation et Valorisation.

Avec peu de moyens, de manière indépendante, et quasiment sans aucune aide financière extérieure (en dehors de celle du Lacito qui ne prend en compte que les frais de séjour des chercheurs sur le terrain), deux projets ont été initiés à proximité de La Pedrera :

Le premier est celui de se donner les moyens de reconstruire une éducation spécifiquement indigène (esp. educación propia). D'une part, selon le modèle des écoles bilingues, il s'agit d'employer l'alphabétisation en langue indigène pour garder une trace écrite des récits, chants et autres littératures orales et, d'autre part, de soutenir les méthodes traditionnelles (apprentissage nocturne, rituels, initiation) en mobilisant les jeunes auprès des anciens pour transmettre leur mémoire orale et leurs pratiques ancestrales.

Le second projet vise à explorer et valoriser le savoir des Indiens sur la faune et la flore, et particulièrement à étudier leurs plantes médicinales et leurs méthodes thérapeutiques. D'un côté, il cherche à rassembler des informations pour l'identification, la documentation et la reconnaissance des plantes et animaux (voir mon projet iNaturalist), notamment sur leurs formes et leurs caractéristiques du point de vue indigène, de l'autre, il valorise et encourage la transmission de ce savoir auprès des jeunes.

Projets de recherche sur le chamanisme et les incantations

Depuis que j'ai bénéficié d'une aide du Legs Lelong en 2006, j'ai principalement axé mes recherches sur le chamanisme, notamment sur ses règles spécifiques en tant qu'institution et sur ses fonctions sociales (Fontaine, 2008 ; 2010).

Lors de mes quatre dernières missions en Amazonie colombienne (janvier-mars 2008, juin-septembre 2009, juillet-septembre 2011, septembre-décembre 2013) financées par le Lacito, j'ai constitué deux gros corpus d'incantations transcrites et traduites faisant chacun plus de 1000 pages ; l'un auprès de Milciades YUCUNA, l'autre auprès de Mario MATAPI. Certains extraits de ces incantations ont été publiés (Fontaine, 2011 ; 2013 ; 2014).

J'ai obtenu le 1er décembre 2015 une Habilitation à Diriger des Recherches dont l'ouvrage de recherche est entièrement consacré aux incantations (voir Publications) : Mémoire de synthèse ; Présentation analytique et orientation des recherches futures.

 

Réunion communautaire à Camaritagua, 10/2004