Les Indiens yucuna

Les Indiens yucuna (ou yukuna) désignent un ensemble d’indigènes parlant habituellement au sein de leur famille d’origine le yucuna, une langue appartenant à la famille linguistique arawak (Schauer et Schauer 1975 ; 1978 ; 2000 ; 2005 ; Fontaine 2003 ; 2008b). Ces indigènes se distinguent en cinq groupes de filiation patrilinéaire et exogamiques (Schackt, 1989-1990, 1990, 2013). Ceux du premier groupe se considèrent comme les « vrai yucuna » (yucuna propio, en espagnol) : en yucuna, on les appelle les Kamejeya (leur ethnonyme). Leurs ancêtres sont à l’origine de la langue yucuna contemporaine.

Par opposition à ces Yucuna « légitimes », trois autres groupes indigènes se font appeler Yucuna (en tant que nom de famille), mais ils ont chacun leur propre ethnonyme : il s’agit des Je’rúriwa, des Jimíke’pi et des Jurumi. Enfin, un dernier groupe a choisi de se faire appeler Matapi, mais en yucuna, on les appelle Jupichiya (ou Upichiya). Ces 4 derniers groupes parlaient autrefois d’autres langues que le yucuna, mais après avoir pratiquement été décimés lors de guerres inter et intra-tribales, ils ont fini par parler la langue de leurs alliés Kamejeya (Fontaine 2008: 85-86). Ajoutons que les Indiens tanimuca et letuama voisins (dont la langue commune est de famille linguistique tucano) parlent souvent le yucuna, et partagent une culture très proche de celle des Yucuna de par leurs relations d’alliance exogamique privilégiées avec eux (Jacopin 1977 : 109-110 ; 1981 : 37).

Les Yucuna vivent actuellement sur les rives de la moitié basse du Mirití-Paraná et du Bas Caquetá (près du village La Pedrera). Leur population actuelle compte environ un millier d’individus. Comme la plupart des autochtones d'Amazonie, ils ont fondé leur autosubsistance sur l'horticulture, la chasse, la pêche et la cueillette. Les femmes cultivent les tubercules (manioc amer et doux, taro, igname, patate douce), préparent les aliments et confectionnent les poteries. Les hommes chassent, pêchent, fabriquent les vanneries et travaillent le bois (canoës, bancs traditionnels, etc.). Ils réalisent aussi les travaux nécessitant endurance et force physique, comme l'essartage ou l'édification des malocas (grandes maisons rondes), en organisant des mingas (travaux coopératifs). En outre, ils sèment le tabac, la coca et certains arbres fruitiers (Jacopin 1977, 1981 ; Van der Hammen 1991 ; Schackt 1994 ; Fontaine 2007, 2008a).

Autrefois semi-nomades et pratiquant l’horticulture itinérante sur brûlis dans les zones interfluviales du Haut-Miriti, les Yucuna ont beaucoup transformé leur organisation sociale et leur mode de vie depuis le début du XXème siècle pour accéder aux marchandises (haches, machettes, sel, allumettes, etc.) qui furent d’abord apportées par les exploitants de caoutchouc. Depuis l’interdiction de l’exploitation du latex et des fourrures par l’Institut Colombien de la Reforme Agraire (INCORA) en 1974, les Yucuna se sont déplacés vers les zones d’occupation blanche (La Pedrera, Internat de Jariyé, Santa Isabel, La Libertad) pour bénéficier de nouvelles opportunités économiques (dans le domaine de la pêche commerciale, de l’or et de la coca). A partir du milieu des années quatre-vingt dix, l’exploitation des ressources naturelles n’apporte plus autant de travail qu’autrefois. Les mines d’or se sont taries, la pèche commerciale n’est plus foisonnante, et le trafic de coca est de plus en plus contrôlé et restreint. Avec la raréfaction du travail, la population indigène concentrée en surnombre autour des petites villes se trouve prise au piège dans un environnement qui ne lui apporte plus suffisamment de moyens de subsistance (aussi bien pour l’horticulture que pour la chasse, la pèche et la cueillette).

Métadonnées sur le site du Lacito

Bibliographie

FONTAINE Laurent

2003 Corpus yucuna. Introduction à la langue et à l'écriture yucuna, Archive du Lacito (online).

2007 Logiques modales et anthropologie : Des règles à la parole chez les Indiens yucuna d'Amazonie colombienne, L’Homme (online), n. 184, octobre, pp. 131-154.

2008a  Paroles d’échange et règles sociales chez les Indiens yucuna d’Amazonie colombienne. Paris, L’Harmattan.

2008b Récits des Indiens yucuna de Colombie. Texte bilingue. Paris, L’Harmattan.

JACOPIN Pierre-Yves

1972 Habitat et Territoire Yucuna, Journal de la Société des Américanistes (online), n. 66, pp. 107-139.

1981 La parole générative de la mythologie des Indiens Yukuna, Thèse de doctorat, Université de Neuchâtel.

SCHACKT Jon

1989-1990   Rango y alianza entre los Yukuna de la Amazonia colombiana. Revista Colombiana de Antropología,Vol XXVII. Bogota, pp. 137-157.

1990 Hierarchical Society : The Yukuna Story. Ethnos Vol. 55 (III-IV), pp. 200-213.

1994  Nacimiento Yucuna. Reconstructive ethnography in Amazonia. Thèse de doctorat, Université d'Oslo.

2013 A People of Stories in the Forest of Myths. The Yukuna of Miritiparaná, Novus Press, Oslo.

SCHAUER Stanley et SCHAUER Junia

1975  Texto Yucuna por Quehuají Yucuna. La Historia de los Caripú Laquena. In : Folclor indigena de Colombia T.1 (online). Bogota, pp. 252-333.

1978  Una gramática del Yucuna. Articulos en lingüistica y campos afines (online). Bogota, Instituto Lingüístico de Verano - Digidec, pp. 1-52.

2000 El Yucuna. Lenguas indígenas de Colombia. Una visión descriptiva (online). Bogota, Institut Caro y Cuervo, pp. 515-532.

2005 (Comp.) Diccionario bilingüe Yucuna-Español, Español-Yucuna (online). Bogotá, Editorial Fundación para el Desarrollo de los Pueblos Marginados.

VAN DER HAMMEN Maria Clara

1992  El manejo del mundo. Bogota, Tropenbos (online).

 

Pécari à lèvres blanches venant d'être apporté par le chasseur, Camaritagua, 07/2003